en 1960, la première pilule contraceptive sortait sur le marché : Enovid a fait beaucoup de bruit. Pourtant, presque 40 ans plus tard, qui se souvient encore de ce nom ? Inventé par un américain et commercialisé aux États-Unis ce médicament marqué le début d'une ère nouvelle pour la vie du couple.
Les femmes disposaient enfin d'un moyen efficace de contrôler leur fécondité. En France, la loi de 1920 assimilait encore la contraception à l'avortement. Toutes pratiques propagande du contrôle des naissances a été condamnée. La pilule sera commercialisée dans le pays en 1963, mais il faudra attendre 1967 pour que la contraception soit légalement autorisée dans un cadre strictement médical. En 1969, le planning familial ouvre son premier centre à Rouen. La femme a désormais le choix et la sécurité du choix.
Depuis que nous approchons du changement de deux millénaires, les sondages multiplient pour tirer un bilan du XXe siècle finissant. Tous placent la pilule contraceptive au premier rang des interventions qui ont révolutionné la vie quotidienne. Se souviendra-t-on plus tard de 1998 comme de l'année qui marqua un tournant dans l'histoire intime des couples avec l'apparition du Viagra sur le marché mondial ?
En inventant la pilule contraceptive, la science nous a donné les moyens de ne plus limiter la finalité de l'acte amoureux à la procréation. Avec la pilule les femmes obtenaient la clé de leur horloge biologique. Donner ou non le jour à un enfant devenait un choix individuel, une liberté fondamentale. Chaque femme devenait responsable de ses choix et de sa fécondité. La pilule rétablissait l'équilibre des pouvoirs dans le couple. L'homme n'était plus le seul à donner la vie. La femme pouvait décider de recevoir ou non ce dont.
En avalant simplement une pilule chaque jour, la femme sortait du déterminisme biologique de la procréation. On a pu mesurer depuis que ce genre de choix n'est pas sans conséquence. Dans nos sociétés occidentales, il y a clairement un avant et un après pilule. Y aura-t-il un avant et un après Viagra ? L'avenir nous le dira. Mais il y a de fortes chances pour que la donne de notre vie amoureuse soit une fois de plus redistribués et modifier en profondeur.
Quand la femme prend la pilule, le couple fait l'amour en toute liberté : avant, l'homme devait y réfléchir à deux fois. Faire l'amour, c'était prendre le risque d'une nouvelle naissance. Il fallait avoir « les reins solides », assumer la responsabilité de voir la famille s'agrandir, faire la part du plaisir et de la nécessité. Du jour où la femme a pris la pilule, répondez en fait au désir plus ou moins avoué de l'homme de limiter le processus de naissance. C'est d'abord l'homme qu'elle a libéré de cette crainte toujours vivace des conséquences de ses actes.
Avec le Viagra, c'est l'homme qui va prendre la pilule. N'est-ce pas pour répondre, au fond, à la demande de la femme, qui accepte mal de voir la puissance de son partenaire diminué avec l'âge ? L'homme va prendre le Viagra pour continuer à assurer face à elle. Bien sûr, il va prendre le Viagra pour lui-même, tout comme la femme prend la pilule pour elle-même. Mais le grand bénéficiaire de l'opération, c'est le partenaire. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de régler, au moyen d'une petite pilule facile à avaler, un problème qui se pose couple.
Viagra est une mise en confiance. Il ouvre virtuellement la voie à une autre forme d'amour libre. Dégagée de l'usure et des faiblesses du vieillissement, l'homme va gagner du temps. Pour qui ? Pour lui ? Pour sa partenaire ? la première génération va connaître le véritable choix : avec ou sans Viagra ? Ouvertement ou en cachette ? Avant d'en avoir besoin ? Juste pour essayer, pour s'amuser, vérifier, pour voir ? Après la première panne ? Pour se soigner, pour se donner une nouvelle chance de bonheur à deux ?
Verra-t-on, dans les mois ou les années qui viennent, des hommes s'insurgeaient contre le Viagra sous des prétextes semblables à ceux des femmes, de plus en plus nombreuses, qui refuse la contraception orale en interrogations on peut prévoir en premier lieu les arguments écologiques. Le désirent à plus ou moins long terme de retrouver les réactions, les rythmes naturels du corps que la pilule aura masqué. Histoire de vérifier que tout va bien, même sans pilule du bonheur. Même au prix de performances moins spectaculaires. On peut imaginer aussi un refus du traitement médicamenteux prolongé à l'infini. Les femmes ne savent bien : prend la pilule ne devient jamais tout à fait une habitude machinale. Il faut y penser chaque jour. Les oublis jouent les lapsus, vous rappel à l'ordre de l'inconscient. Par ce que, justement, nous ne sommes pas des machines.
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